Marquis Cesare Bonesana BECCARIA, Économiste et criminaliste italien (1738-1794) ,

Traité des délits et des peines (1764) 

D’après la traduction de l’Italien par M. Chaillou de Lisy, bibliothécaire, et publiée à Paris en 1773.

Ce sont ces lois, restes des siècles les plus barbares, que j’examine dans cet ouvrage, eu égard à la jurisprudence criminelle : c’est aux arbitres de la félicité publique que j’ose exposer les désordres dont elles sont la source ; le vulgaire, peu éclairé et impatient, ne sera point séduit par le style dont je les décris. Si je me suis livré à la recherche ingénue de la vérité, si je n’ai pas craint de m’élever au-dessus des opinions reçues, je dois cette heureuse hardiesse au gouvernement doux et éclairé sous lequel je vis. La vérité plait aux grands monarques, aux bienfaiteurs de l’humanité qu’ils gouvernent ; ils l’aiment, surtout quand elle est mise dans tout son jour par un philosophe obscur, quand elle se peint, non sous les traits du fanatisme, mais avec les couleurs de l’amour du bien, de ce zèle pur qui ne s’élève que contre la force tyrannique ou l’intrigue insidieuse, et que la raison fait toujours contenir. Pour qui les examinera dans tous leurs développements, les désordres qu’entraînent nos lois sont la satire et sont l’ouvrage des siècles passés, plutôt que du nôtre ou de ses législateurs, Si quelqu’un veut donc m’honorer de sa critique, qu’il commence par bien saisir l’objet de cet ouvrage, qui, loin d’avoir pour but de diminuer l’autorité légitime, ne servira qu’à l’augmenter encore, si l’opinion est plus puissante sur les hommes que la force, si la douceur et l’humanité sont faites pour consacrer les droits et l’exercice du pouvoir. Mais, comme les critiques malentendues qu’on a publiées contre moi sont fondées sur des notions confuses, elles me forcent d’interrompre un moment les réflexions que j’offrais aux lecteurs éclairés pour fermer enfin à jamais la bouche au zèle timide qui s’égare, et à la méchanceté envieuse qui distille les poisons de la calomnie sur quiconque aime la vérité, et cherche à la montrer aux hommes.

http://classiques.uqac.ca/classiques/beccaria/traite_delits_et_peines/beccaria_delits_et_peines.pdf


0 commentaire

Laisser un commentaire

Emplacement de l’avatar

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *