Les personnes sous probation sont souvent confrontées à une double peine : une surveillance judiciaire stricte et un accès limité à des traitements adaptés pour les troubles liés à l’usage de substances. Alors que la majorité d’entre elles présentent des problématiques d’addiction, peu parviennent à engager une démarche thérapeutique. Pourquoi ? Faute de motivation au changement, selon une étude ambitieuse publiée dans Contemporary Clinical Trials par Faye Taxman et son équipe. (“Motivational tools to improve probationer treatment outcomes” de Taxman, Walters et al. (2015).)
🚀 L’étude MAPIT : un essai contrôlé aléatoire
Le programme MAPIT (Motivational Assistance Program to Initiate Treatment) a testé trois approches auprès de 400 personnes en probation à Baltimore et Dallas :
- Supervision standard (SAU),
- Entretiens motivationnels (MI),
- Programme informatique motivationnel (MC).
L’objectif : améliorer l’initiation, l’engagement et la rétention en traitement pour l’usage de substances, tout en observant l’impact sur la récidive et le recours au dépistage VIH.
🧠 La clé : la motivation précoce
Les résultats préliminaires montrent que la motivation avant le traitement est l’un des meilleurs prédicteurs d’un parcours réussi. Or, de nombreux programmes imposent directement des thérapies “actives” sans prendre en compte l’étape psychologique dans laquelle se trouve la personne : pré-contemplation, ambivalence, hésitation…
Les auteurs pointent que les interventions motivationnelles, comme l’entretien motivationnel (EM), sont mieux adaptées à ces profils. Elles permettent d’engager la réflexion, de susciter le “déclic”, et d’orienter le sujet vers un engagement volontaire dans une démarche de soin.
Face à face ou ordinateur : deux voies, un même but
L’étude compare l’efficacité de l’EM en présentiel à un programme informatique autonome, utilisant la synthèse vocale, des feedbacks personnalisés et des exercices interactifs.
Les avantages du numérique :
- Moins coûteux,
- Reproductible à grande échelle,
- Pas dépendant de la disponibilité des cliniciens.
Mais l’EM humain a aussi ses forces :
- Relation interpersonnelle,
- Capacité d’adaptation,
- Réactivité émotionnelle.
Premiers résultats et perspectives
Même si les résultats complets sont attendus à long terme, l’étude montre déjà que ces deux outils améliorent significativement l’entrée en traitement, surtout chez les probationnaires à haut risque de récidive. Ils agissent aussi sur d’autres leviers : réduction de la consommation, progrès en probation, prévention du VIH.
La recherche explore également le rapport coût-efficacité, un enjeu central pour des services souvent en sous-effectif et en tension budgétaire.
Une leçon pour la criminologie appliquée
Cette étude illustre combien le facteur humain (motivation, adhésion, relation) est central dans l’intervention judiciaire. Il ne suffit pas d’imposer une thérapie : il faut d’abord préparer la personne à changer, en la rendant actrice de son parcours.
C’est un appel à transformer la probation d’un système de contrôle vers un dispositif de soutien au changement, centré sur les besoins psychologiques et les dynamiques motivationnelles.
0 commentaire