André Davidovitch. Pinatel Jean, La criminologie., Revue française de sociologie, 1962, vol. 3, n° 1, pp. 92-96.
La criminologie clinique « consiste essentiellement dans l’approche multidisciplinaire du cas individuel, à l’aide des principes et des méthodes des sciences criminologiques ou criminologies spécialisées » . Elle a pour but « par analogie avec la clinique médicale, de formuler un avis sur un délinquant, cet avis comportant un diagnostic, un pronostic et éventuellement un traitement »
Quant au déroulement du processus criminel qui débouche sur l’acte, il faut se référer à De Greef qui en a fourni une analyse psychologique très poussée, à l’occasion du processus criminogène conduisant à l’homicide utilitaire . Des trois phases qu’il discerne dans la dynamique criminelle (acquiescement mitigé, acquiescement formulé, période de crise) seule la dernière est représentative de l’état de danger (p. 165) qui se caractérise par l’imminence, par une très forte probabilité de passage à l’acte. Telle serait, en effet, la définition la plus extensive du concept d’état dangereux, dont l’examen nous fait pénétrer dans le domaine de la criminologie clinique.
Pour saisir le sens opérationnel exact de ce terme dans la criminologie actuelle il faut partir de la notion de témibilité forgée par Garofalo et de son complément d’adaptabilité sociale. Dans un premier moment, le savant italien a préconisé que la mesure pénale soit fondée « sur la perversité constante et agissante du délinquant et la quantité de mal qu’on peut redouter de sa part », c’est-à-dire sur sa témibilité ou capacité criminelle (pp. 130-131). Très vite il eut le sentiment que le terme temibilità qu’on a traduit en français par dangerosité avait un caractère trop négatif. Il a suggéré également la prise en considération du degré d’adaptabilité du sujet (« idonéité à la vie sociale s>). Le concept actuel d’état dangereux renferme ces deux éléments: le diagnostic d’état dangereux doit les évaluer dans chaque cas, le pronostic de rééducabilité et le type de criminosité variant en fonction de diverses combinaisons possibles de la dangerosité et de l’adaptabilité (p. 168).
L’état dangereux comporte quatre formules individuelles :
a) Capacité criminelle très forte et adaptabilité très élevée. Cette formule correspond à la forme la plus grave de l’état dangereux (p. 169). Dans cette catégorie on peut classer les sociables dénués de moralité, les criminels à col blanc étudiés par Sutherland. Parfaitement adaptés au crime, apparemment en règle avec les normes de la vie sociale, ils savent ne pas se faire prendre; on les voit rarement en prison.
b) Capacité criminelle très élevée et adaptabilité très faible. Degré inférieur mais encore grave de la dangerosité (la plupart des criminels professionnels dont « la carrière se déroule sous le double signe de l’organisation méthodique et du refus d’exercer un métier socialement défini »).
c) Capacité criminelle peu élevée et adaptabilité très faible. Formule moins dangereuse que les deux précédentes. Les inadaptés psychiques, les débiles et les caractériels, parmi lesquels se recrute la clientèle habituelle des prisons, se classent dans ce groupe.
d) Capacité criminelle très faible et adaptabilité très élevée. Forme légère de l’état dangereux (on trouve dans ce groupe les délinquants occasionnels, qui peuvent cependant commettre des crimes graves). Ces quelques éléments suffisent pour suggérer sur quelles bases doit s’établir ou s’établit le pronostic d’état dangereux et dans quelles conditions ce pronostic peut constituer un des fondements du traitement. Rappelons encore que J. Pinatel tout en préconisant leur emploi raisonné, met en garde contre la mystique des tables de pronostic. On trouvera au chapitre IV de la II* partie (pp. 172-185) un exposé détaillé et critique des principaux schémas actuellement connus, dont ceux qui ont été mis au point par E. et S. Glueck aux Etats-Unis paraissent être les plus perfectionnés.
http://www.persee.fr/article_rfsoc_0035-2969_1962_num_3_1_6857.pdf
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