JOURNAL DE MONTRÉAL, PUBLIÉ LE: 

« Les grands criminels difficiles à coincer »

FRÉDÉRIC OUELLET

Les grands criminels ont beaucoup moins de probabilités de se faire arrêter que les petits délinquants, malgré tous les efforts que déploient les services policiers.

C’est ce que révèle une étude effectuée conjointement par les criminologues Frédéric Ouellet et Martin Bouchard, respectivement affiliés à l’Université de Montréal et à la Simon Fraser University, en Colombie-Britannique.

Pour arriver à cette conclusion, les deux chercheurs se sont basés sur les témoignages de quelque 172 détenus incarcérés pour un crime non violent dans cinq prisons de la région montréalaise.

En se basant sur leurs revenus et activités criminelles ainsi que sur leur nombre d’arrestations ou d’emprisonnements sur une période de trois ans, les criminologues ont déterminé que, plus un criminel a du succès, plus il a de probabilités d’éviter les arrestations.

«Plus ton pay-off (revenu par crime) est élevé, moins tu t’exposes à des risques. Dans une transaction de drogues, Maurice «Mom» Boucher ne touche à rien. Un mafieux comme Rizzuto non plus. C’est le petit trafiquant qui risque tout. Les grands peuvent rester impunis pendant très longtemps», expose Frédéric Ouellet.

Un « talent » criminel

Les deux chercheurs ont également établi que les criminels les plus puissants détiennent un savoir-faire qui les protège, à court ou moyen terme, des arrestations.

«Normalement, plus tu commets de crimes et que tu t’exposes, plus tu risques d’être arrêté. Mais certains délinquants sont si compétents qu’ils réussissent à contrer l’effet de l’exposition», poursuit M. Ouellet.

Ces nouvelles données, croit ce dernier, pourront donner un sérieux coup de pouce aux policiers qui cherchent à épingler les grands criminels.

«Dans notre prochaine étude, nous irons encore plus loin pour décortiquer le savoir-faire criminel. Plus on va en savoir là-dessus, plus il sera facile de les combattre», affirme Frédéric Ouellet.

Néanmoins, si les grands criminels peuvent éviter la justice pendant un certain temps grâce à leur habileté, ils ne peuvent pas s’en sauver à jamais.

«Tous les délinquants que nous avons interrogés sont en prison. Oui, les criminels les plus compétents peuvent commettre des crimes plus longtemps avant de se faire prendre. Mais les happy ends sont rares.»

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LA COMPÉTENCE CRIMINELLE : LES 4 QUALITÉS DU GRAND CRIMINEL
1. AVOIR UN MENTOR
Selon Frédéric Ouellet, l’enseignement du crime par un mentor est un atout précieux dans la carrière d’un délinquant. «Dans notre échantillon, 42 % des délinquants ont affirmé avoir côtoyé un mentor, quelqu’un de plus expérimenté qui leur a appris des techniques. Comme je l’enseigne dans mes cours, toutes les études effectuées sur le vol de voitures démontrent que les criminels, du voleur professionnel au jeune délinquant, apprennent comment voler une voiture à partir de l’expérience de quelqu’un d’autre. Tout est dans les contacts.»
2. RÉUSSIR À L’ÉCOLE
«Le fait d’avoir au minimum un diplôme d’études secondaires est un facteur qui fait partie des compétences. Les gens plus éduqués risquent de mieux choisir leurs opportunités criminelles, comparativement à un autre individu qui n’a ni études, ni emploi et qui a faim. Ce dernier va sauter sur la première opportunité qu’il verra.»
3. UN ESPRIT SAIN DANS UN CORPS SAIN
«Les criminels qui ne consomment pas de drogues dures réussissent mieux. Cela va à l’encontre de l’image populaire, mais c’est bel et bien le cas.»
4. OPÉRER DANS PLUSIEURS DOMAINES
«Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas avantageux de se spécialiser dans un seul domaine criminel. D’abord, cela est un signe comme quoi son réseau de contacts n’est pas très étendu. Un bon criminel saura se diversifier. Plus ton réseau criminel est élargi, plus tu as d’opportunités. Si tu opères dans un réseau restreint, par exemple le cambriolage de résidences, qu’est-ce que tu fais lorsque tu n’as pas de cibles en vue? La dernière chose qu’un criminel désire, c’est de se retrouver sans argent, car c’est là qu’on va prendre des risques.»
LES HABITUDES CRIMINELLES
Sur une période de trois ans, les 172 délinquants de l’échantillon de cette étude ont été actifs criminellement en moyenne 13,8 mois.
Lorsqu’ils étaient actifs, ils commettaient en moyenne 31 délits par mois.
La probabilité qu’ils soient arrêtés augmentait de 4,3 % chaque mois où ils étaient actifs.
69 % d’entre eux ont commis des crimes de marché, c’est-à-dire des crimes sans violence dont le but est d’obtenir de l’argent, comme le trafic de drogues, le vol, la fraude, le recel, etc.
En moyenne, leurs gains étaient de 250 $ par crime.
Les criminels avaient généralement au moins sept partenaires criminels.
SOURCE: LES RISQUES D’ARRESTATION DANS LES CARRIÈRES CRIMINELLES, FRÉDÉRIC OUELLET ET MARTIN BOUCHARD

 

Catégories : CRIME ORGANISE

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