« La sélection des délinquants à mettre en probation », Nations Unies, décembre 1959
Incroyable texte où , en 1959, tout est déjà là: les questions autour de la nécessité d’une évaluation plus structurée, mais aussi ses limites et le maintient d’une nécessaire « prise de risque » inhérente à la probation: » Etant donné le caractère correctif et hautement individualiste de la probation, il est normal et il faut que l’on prenne des risques considérables pour tenter de relever les délinquants »
On s’apercevra également dans le chapitre consacré au système français que le focus est mis sur la « liberté surveillée » de la justice des mineurs, érigée comme modèle.
« Qui peut être mis en probation? (…) Pour de nombreux criminologistes, la réponse à ces questions réside dans le perfectionnement et l’application appropriée de méthodes statistiques de pronostic (…) Cependant, même avec des méthodes et des techniques perfectionnées, le calcul des probabilités de délit ne suffira pas à résoudre le problème (…) Le risque que l’on court en mettant un délinquant en probation est l’un des éléments à prendre en considération et il peut être utile, à cet égard, de voir aussi clairement et objectivement que possible les dangers à redouter. En tout cas mieux vaudra chercher à le faire que de s’en remettre à son intuition personnelle. Un agent de probation peut réagir de deux manières. devant un probationnaire qui présente de gros risques de récidive, l’agent de probation peut être incité à déployer des efforts tous particuliers pour essayer d’arracher l’intéressé à une vie de crime. En revanche savoir pourra le pousser à modérer son zèle et à adopter une attitude fataliste en se disant que le cas du délinquant dont les chances sont mauvaises est désespéré, tandis que le probationnaire dont les chances sont bonnes réussira de toute manière. point plus important encore, une appréciation exacte des probabilités de nouveaux délits n’indique nullement quels sont les besoins de l’individu ni quel intérêt représenterait telle ou telle forme de traitement [penitentiaire] qui peut donner des résultats s’il poursuit quelques temps sa carrière criminelle.
D’autres considérations doivent donc intervenir pour aider les responsables du choix du traitement à répondre à la seconde question : qui devrait être mis en probation? il est fort possible que ces considérations doivent se fonder sur des bases autres que celles qui sont normalement utilisées pour le pronostic criminel. Si l’on insiste trop sur le pronostic, on peut facilement en venir à n’apprécier le succès ou l’échec qu’en fonction du taux de récidive ou à réserver la probation qu’aux seuls cas qui semblent sûrs. L’adaptation sociale est un processus extrêmement complexe. le Pr et Me Glueck, les experts les plus éminents en matière de pronostic criminel, ont montré dans leurs études sur certaines carrières criminelles qu’il peut y avoir et qu’il y a souvent un progrès considérable de l’adaptation sociale (amélioration du comportement professionnel, des relations familiales, respect des obligations financières) même si le délinquant est traduit encore une ou deux fois devant les tribunaux. Pour lui donner des chances, il faut des risques. Si la probation aboutissait à des résultats satisfaisant dans tous les cas, la pratique des tribunaux en matière de décision apparaîtrait erronée relativement à un aspect important de la politique pénale.Etant donné le caractère correctif et hautement individualiste de la probation, il est normal et il faut que l’on prenne des risques considérables pour tenter de relever les délinquants »
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