TRIBUNE DE GENÈVE (15/09/13) Martin Killias: «La Pâquerette est un leurre. On ne sait pas si elle est efficace»

(Martin Killias, professeur de criminologie de l’université de Zurich, est l’auteur du précis de criminologie paru en 2012 (Martin Killias, André Kuhn, Marcelo F Aebi ; Précis de criminologie).

 A l’occasion du meurtre commis par un pensionnaire de la « pâquerette » (Genève), il pose ici la question importante des méthodes d’évaluation de ces structures et des thérapies qu’elles proposent, question à étendre plus largement aux différentes prises en charge en milieu correctionnel …)

Le criminologue fulmine. Il avait préconisé une évaluation sur le long terme du centre de sociothérapie destiné à la réadaptation sociale des détenus dangereux, à son ouverture il y a 27 ans. L’idée avait été rejetée par les autorités.

Le criminologue Martin Killias critique fermement les autorités genevoises concernant le fonctionnement de la Pâquerette. C’est dans ce centre de sociothérapie, visant à resocialiser des grands criminels souffrant d’importants troubles de la personnalité, que Fabrice Anthamatten était détenu depuis 2012.

«Le discours général que l’on entend depuis vendredi est de dire que la mort tragique d’Adeline est triste mais que la Pâquerette fait un travail globalement positif. Mais on ne dispose d’aucun élément pour le dire!», réagit-il. Cette unité comportant quinze places, installée dans la prison de Champ-Dollon, est «un leurre, dans la mesure où on ne sait pas si elle est efficace».

Martin Killias connaît bien la Pâquerette. A son ouverture en 1986, le professeur de criminologie à Lausanne avait «suggéré aux autorités politiques de l’époque et aux responsables de la psychiatrie de mener une évaluation de cette structure». Pour chaque place libre et sur la base de deux candidats, le principe consistait à tirer au sort celui qui bénéficierait de soins. «On a rejeté cette idée à l’époque, par souci éthique. Et l’on estimait que la structure était trop petite pour le faire. Or, depuis 1986, plus de 250 personnes sont passées par la Pâquerette. On a raté la possibilité de l’évaluer.»

Un établissement similaire, situé dans l’Etat de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, en Allemagne, a montré, selon cette méthodologie, que le taux de récidive baisse de 4% entre les prisonniers suivis et ceux qui restent enfermés dans une prison standard. Et de mettre en garde: «Si l’équipe de la Pâquerette choisit des personnes qui ont des perspectives de rétablissement, cela peut fausser toute analyse.» Préconise-t-il la fermeture de la Pâquerette? «Si j’étais un décideur politique, je voudrais absolument savoir ce que cela apporte.»  Au printemps prochain, un établissement similaire, mais de grande ampleur doit voir le jour à Genève. Curabilis doit accueillir 92 détenus hautement dangereux venus de toute la Suisse romande et du Tessin. Martin Killias espère qu’une évaluation est prévue. «Dans le monde médical, c’est un standard. On n’imagine pas Novartis vendre un médicament dont l’efficacité n’a jamais été prouvée!» Il rappelle aux politiques leurs responsabilités: «Le monde politique doit imposer au monde thérapeutique un cadre d’honnêteté et de rigueur.»

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Premier rapport dans l’enquête administrative ordonnée par le Conseil d’Etat à la suite du décès de Mme Adeline lors d’une sortie accompagnée de M. Fabrice A., par Me Bernard Ziegler

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